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Mes séjours au Japon [suite]
J’adore voyager ainsi. Seul, blue jeans, bottes en caoutchouc, Japon, sac à dos, casquette. J’adore mes monologues intérieurs quand je voyage, que ce soit à propos de mon travail, de mon futur, de ma famille, de mes amis, de mes rêves, etc. Ma tenue est banale et un peu crade. Après tout, je suis sur les routes et ne veux pas de sac pesant sur mon dos. Pourquoi ai-je choisi le Japon ? Je ne sais pas si vous comprenez bien ma situation. Ce que je sais encore aussi : c’est que certains trouvent bizarre de voir un gars se balader en public en bottes en caoutchouc par beau temps. Pour John, il est nécessaire de faire profil bas. Oui, je suis timide, timide, et timide. Songez un peu : si je me promenais dans les pays occidentaux, qu’est-ce que je rencontrerais ? Non, je ne pratique pas le japonais ; mais mon apparence est celle d’un Japonais, du moins tant que je me tais. J’adore cette apparence trompeuse quand je voyage en bottes en caoutchouc. Avez-vous déjà visité des pays d’Asie ? Parfois, la couleur de peau est un élément important quand je voyage de la sorte.
Asie du Sud ? Trop chaud pour voyager. La Chine ? Non, je ne veux pas entendre une langue que je connais quand je voyage. J’ai besoin de vivre dans un endroit étranger. Quand je suis en bottes en caoutchouc. Le Japon a une culture et une alimentation assez proches des miennes. Et j’y trouve aussi un meilleur environnement que chez moi. Un élément très important aussi, c’est que le Japon est une île, et que les Japonais aiment manger tout ce qui vient de la mer. Les marins-pêcheurs et les bottes en caoutchouc sont normales et populaires, en particulier à la campagne.
Autre chose. Savez-vous qu’au Japon, tout comme dans le reste de l’Asie, les gens ôtent toujours leurs chaussures ou bottes et enfilent des chaussons quand ils entrent dans une maison ? Les premières fois, quand j’ai dû ôter mes bottes en caoutchouc, je me suis trouvé bien embarrassé. Vous savez bien, après une longue promenade à pied, par temps sec, mes chaussettes étaient trempées de transpiration… En arrivant dans une chambre d’hôtes, je dus ainsi ôter mes bottes en caoutchouc devant la porte, sous le regard de mes hôtes… Oups (= oh mon Dieu !), j’étais embarrassé comme jamais ! L’odeur des pieds dans les bottes est enivrante, oui, mais seulement pour nous. Mais pour les autres, et en particulier les Japonais… C’est un des peuples au monde qui réagit le plus aux odeurs. Dans leur conception, un mode de vie normal exclut toute odeur.
Ce type de comportement est plutôt particulier dans le monde. Ils sont très sourcilleux sur ce point. Dans les familles japonaises, on porte d’ordinaire de courtes chaussettes blanches. Des pieds nus signifient un comportement grossier et fruste. Dans les films érotiques japonais, la fille conserve ses chaussettes blanches… Imaginez la scène : de quelque façon dont je m’y prenais, debout ou assis, impossible de ne pas me sentir gêné, à retirer mes bottes en caoutchouc surtout sous le regard d’un ou deux gars.
Est-il facile de se déchausser quand les pieds sont moites de transpiration ? Eh non ! Quand on retire des bottes en caoutchouc non toilées, il arrive très souvent que le vide se fasse et que la botte se plaque sur les pieds et qu’il est presque impossible de les ôter sur le coup. Je ne savais plus où me mettre ! Et mes hôtes restaient debout devant moi, esquissant un sourire. Sourire ? Oui un sourire en coin qui en laissait entendre beaucoup…
Je finis pourtant par passer outre ma gêne. De toutes façons que pouvais-je faire d’autre, sinon ignorer leur sourire & leur regard en coin ? Sinon faire comme si de rien n’était. Vous savez, les Japonais sont connus dans le monde entier pour leur extrême politesse. Jamais ils ne m’ont fait de remarques sur mon odeur de pieds, d’où je suppose que ça allait. Je ne transpire pas beaucoup et puis, comme je suis un étranger, ils n’y prêtent guère attention. Le lendemain matin, de nouveau, j’enfilai mes bottes en caoutchouc à la porte de ma chambre, sous le regard de mes hôtes, me raccompagnant pour me saluer. J’étais tout excité. Pour moi, le fait de retirer et de remettre mes bottes en caoutchouc devant des gens, me met dans un état… Désormais, à chaque fois que j’arrive quelque part au Japon ou que je parte, je prends toujours du plaisir à ce petit jeu.
Pourquoi est-ce que je choisis cette paire de bottes en caoutchouc à chaque fois ? N’ai-je pas envie d’essayer une autre marque pour voyager ? La première des explications tient au fait qu’elles ne sont pas toilées. Bien sûr, je porte d’habitude des chaussettes dans mes bottes en caoutchouc. Sans chaussettes, ce serait problématique de marcher. Mais même avec des chaussettes, porter des bottes en caoutchouc toilées ou non, c’est très différent. La peau de mes pieds ressent cette différence. Et comme, sur les 365 jours de l’année, je ne porte des bottes en caoutchouc toute la journée que durant dix jours environ, je dois aussi profiter de l’occasion. C’est cela : je me lève souvent tôt, enfile mes bottes en caoutchouc avant de partir pour commencer une nouvelle journée bottée de caoutchouc. Que d’énergie, John !
De plus, porter des bottes en caoutchouc qui sont fabriquées au Japon, cela me donne l’air d’un Japonais. Bien sûr, en plus je les adore, ces bottes ! J’ai déjà envisagé de changer de bottes pour voyager : mettre des BTR, des Hunter… Mais non ; non seulement ces dernières sont toilées, mais en plus elles ne sont pas japonaises. Et enfin, je ne veux surtout pas me charger quand je voyage : je ne prends qu’un sac à dos léger, c’est tout. Et c’est important pour moi.
Quand j’ai commencé à apprécier ce mode de vie, j’ai compris une chose : avoir un corps en bonne santé, c’est très important. Sans cela, comment pourrais-je goûter mon plaisir ? J’adore marcher, voyager. Si je veux pouvoir en jouir, je dois être en parfaite condition physique. Les pieds, c’est important, les jambes, le corps; le mental aussi est important... Je veux pouvoir jouir de tout cela année après année…
Vous devez bien comprendre ce que je ressens : quand je jette mes vieilles baskets à la poubelle, cela signifie que je ne peux rien porter d’autre que mes bottes en caoutchouc. Je n’ai pas d’autre choix que de garder mes bottes en caoutchouc durant tout mon séjour au Japon. « Je dois » signifie pour moi : sortir du placard. Je me force ainsi à faire ce que j’aime mais appréhende, ce que je veux mais ne peux faire le reste du temps. De toute l’année, je ne suis audacieux que durant dix jours.
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