Comme toi, depuis mon enfance, je suis fou et des BOTTES DE CAOUTCHOUC et des mecs qui en portent. De lourdes bottes de caoutchouc (et spécialement les noires) « allument » tous mes sens : —la vue des bottes, de leurs viriles semelles, la courbe folle de leur tige au niveau du mollet, le renforcement du haut de la tige ; —l’odeur fantastique des bottes neuves qui fleurent bon le caoutchouc robuste des pneus, l’odeur des bottes portées où se marient les odeurs de pieds et de caoutchouc ; —le bruit, quoi de plus excitant que ce bruit sourd et fantastique des grosses bottes de caoutchouc quand on marche ; —le toucher, c’est-à-dire la douceur sublime du caoutchouc ; et aussi cette sensation si particulière et si agréable que l’on ressent quand on enfile et quand on a enfilé une paire de bottes. Je partage pleinement ton impression qui te fait dire : « bien dans ma tête et bien dans mes bottes ». Dès que l’automne arrive, je ne porte presque plus que des grosses bottes de caoutchouc pour sortir, même s’il fait soleil et que tout est parfaitement sec !

       Parfois, dans ce cas, on me fait une remarque du genre : oh, tu es en bottes, tu as mis de grosses bottes… Ou alors je remarque un coup d’œil sur mes pieds bottés. Tout cela, je m’en moque, mieux, cela me fait plaisir de voir qu’on remarque mes belles grosses bottes de caoutchouc. J’adore sortir ainsi looké : crâne complètement rasé, blouson de latex, jeans, parfois légèrement crades, ou jeans de latex —mais seulement s’il pleut, et, bien entendu, mes bottes noires aux pieds. Quand je viens de me faire tondre à zéro chez un coiffeur, arrivé chez moi je passe encore le rasoir pour être tout à fait « boule à zéro ».

       Il me revient à l’esprit une scène que j’ai vécue, il y a un certain temps déjà. La voici : dans la campagne du Jura neuchâtelois —pas très loin des Fourgs— et où la botte en caoutchouc est de rigueur chez les paysans, j’étais en visite dans une famille. Un marchand de chaussures ambulant est arrivé. Il fallait une paire de bottes pour le plus jeune garçon de la famille. Ce garçon qui devait avoir douze ans insista par plusieurs fois au sujet des bottes qu’on allait lui acheter en disant : « je veux des bottes mais en caoutchouc. ». Des bottes en matière synthétique auraient, me semble-t-il, tout aussi bien pu faire l’affaire, s’il ne s’était agi que de trouver une botte de travail. Alors, pourquoi insistait-il tant pour avoir des bottes, « mais en caoutchouc » ? Aujourd’hui, ce garçon doit avoir plus de trente ans. Il n’est pas marié. Est-il lui aussi un amoureux des bottes en caoutchouc ?