Pourquoi ?

       J'adore les bottes en caoutchouc depuis que je suis enfant. Je trouvais très excitant de voir d'autres gamins en bottes en caoutchouc pataugeant dans les flaques et s'éclaboussant, et j'aurais aimé pouvoir les rejoindre. Mes parents cependant rêvaient d'un enfant toujours sage et propret. Une seule fois, je leur ai demandé des bottes en caoutchouc, mais en vain.

       A l'âge de 10 ans, j'économisais sur mon argent de poche, et au bout de six semaines, j'avais assez pour pouvoir m'acheter ma première paire de bottes en caoutchouc vraiment personnelle. J'entrai chez le marchand de chaussures de notre rue —le seul en fait de notre petite ville—; ce fut une expérience plutôt palpitante. Le vieux commerçant fut très amical —évidemment, nous nous connaissions, comme j'étais déjà allé plusieurs fois chez lui avec ma mère, afin de m'acheter des chaussures. Il était très important pour lui que les bottes m'aillent parfaitement, et il alla chercher une paire après l'autre. Assis sur le tabouret, j'étais très gêné de les essayer et je ne me sentis soulagé qu'au moment où je pus sortir de la boutique, avec mes bottes en caoutchouc dûment emballées. Comme il ne m'était pas possible de les amener tout simplement à la maison, je les cachais dans une remise.

       Le lendemain, après l'école, je mis dans un sac mes plus vieilles fringues et mes nouvelles bottes en caoutchouc noires et j'allais, en vélo, dans les bois. Comme il avait plu, les chemins étaient bien boueux, et je pouvais enfin aller jouer dans la boue ! Je sautai à pieds joints dans ce bourbier bien humide, et j'éclaboussais tout autour, en pataugeant dans les petites mares boueuses. Jamais je n'ai oublié ce moment. J'entends encore le son de la fange éclabousser mes bottes et j'ai toujours en tête l'odeur de la boue humide. A cette époque, j'avais déjà découvert d'autres "jeux humides" excitants, palpitants, dont je ne dirai toutefois rien ! Je n'ai jamais réfléchi à mon comportement étrange; je m'amusais, tout simplement, je m'excitais. J'adorais mes bottes en caoutchouc et les jeux que je faisais avec elle en secret, quand je les avais aux pieds.

       Plus tard, —je devais avoir 13 ou 14 ans et j'en étais déjà à ma quatrième paire de bottes en caoutchouc— je me mis à m'interroger sur tous ces trucs. Mon excitation à la vue de bottes en caoutchouc et des gens qui les portaient m'apparut soudain bizarre. J'étais parfois honteux moi-même de mes actes et j'allais de moins en moins me vautrer dans la boue ou m'adonner à mes jeux. Mais ça ne s'est jamais arrêté. Je pensais que ça allait me passer en grandissant et je me consolais ainsi. A 16 ans —arrête! J'atteignis 17 ans : rien n'avait changé. J'essayais de m'en passer, mais rien n'y fit ! Mes 18 ans sonnèrent, sans changement en vue. A 20 ans, pas d'amélioration... et même, au contraire : rien ne me donnait plus de plaisir que mes bottes en caoutchouc ! A 25 ans ? Exactement pareil ! Mais j'avais cessé d'espérer la moindre évolution.

       Nous verrons bien ce qui arrivera à l'avenir, mais je pense qu'à 30 ans, je serai toujours aussi excité à la vue de quelqu'un portant des bottes en caoutchouc, ou me promenant sous la pluie battante, pataugeant dans la boue et m'adonnant à tous les autres jeux. Et toujours à la quête d'une nouvelle paire de bottes à acheter. Jusqu'à récemment, sur Internet, je n'avais jamais rencontré quelqu'un d'autre comme ça. Pourquoi ?