François est le voisin de tige de Marcel… Ce dernier, très athlétique, grimpe rapidement le long de sa tige. François a un léger retard sur Marcel : ce dernier est aux trois-quarts de sa montée ; François un peu moins mais il se rend compte que ses mains sont à la hauteur des bottes de Marcel. D’un geste vif il attrape une botte de Marcel et l’arrache de son pied. Marcel, surpris, tente tout de même de grimper plus haut sur sa tige. Son pied sans botte graisse sa propre tige… et peu après son autre botte se frotte sur la zone huilée de sa tige… Son appui est maintenant presque nul avec ses bottes… Uniquement par la force de ses mains et de ses bras il tente de continuer à monter. Ce n’est qu’une question de temps : malgré son corps d’athlète la gravité et la force centrifuge auront raison de lui.
Jacques et Pierre (le jeunot) sont voisins de tige. Jacques a bien vu le manège de François envers Marcel. Pierre est lui aussi en avance sur Jacques dans la montée. Jacques tente le même coup à Pierre. Le jeune Pierre se défend bien : il réussit à se libérer de l’emprise qu’avait Jacques sur sa botte en lui assénant un bon coup de pied dans le ventre. Voilà que sa botte est libérée mais elle pendouille au bout de son pied. Pierre est aux trois-quarts de sa montée vers le haut de sa tige ; le bâillement de sa botte sur ses mollets est relativement grand puisqu’il a des jambes fines et porte des culottes courtes… Pierre n’a pas le choix : il doit se laisser descendre le long de sa tige pour s’éloigner de Jacques et profiter du caoutchouc adhérant sur le métal pour faire glisser sa jambe plus haut dans sa botte. Le voilà descendu à la moitié de sa tige et il est de nouveau prêt à repartir vers le haut…
Mais la vitesse du carrousel augmente encore et de beaucoup. La force centrifuge devient vraiment plus imposante. Pierre peine beaucoup mais il réussit à gagner quelques centimètres de montée… Ses bottes Nora « flacottent » comme on dit ici et plissent bruyamment pendant sa lente montée. Comme sa botte ne pendouillait qu’au bout de son pied, tout l’intérieur de celle-ci est désormais huilé et très glissant. Dans son empressement à vouloir remonter plus rapidement, sa botte lui glisse subitement hors du pied et, « blop ! », tombe sur les matelas. Il a le bon réflexe : il prend bien garde de ne pas huiler sa tige avec son pied débotté… La grande force centrifuge l’amène tranquillement vers le bas. Le voilà rendu presque au bout de sa tige. Sa dernière botte est bien appuyée sur la tige…
Le jeune Pierre qui aime grimper aux arbres en bottes est en émoi depuis presque le début de cette aventure sur le carrousel… Il est sur le point de perdre ce concours, mais il a pas mal d’énergie, ce jeune filiforme ! Il tente, peut-être pour une dernière fois, de reprendre une meilleure position plus haut sur la tige. Malgré une botte en moins il progresse lentement vers le haut. Il est presque au bout de ses forces… Il peine beaucoup : il a le souffle court et son visage crispé rougit. Sa botte se torture en plis et crissements caoutchouteux sur la tige… Voilà qu’il en bave de fatigue. Il est rendu à bout : ses yeux se ferment… Sa dernière botte le quitte lentement… Elle pendouille et puis s’envole dans le vide… Il crie d’une voix plaintive : « Oh ! nonnnnn… » tandis qu’il est éjecté du carrousel et culbute dans les matelas… Il a perdu… Il est déçu et content tout à la fois. Il a adoré grimper avec des bottes de caoutchouc trop grandes pour lui. Il restera marqué à jamais par cette extraordinaire aventure d’escalade.
Marcel le sportif et alpiniste… Il y a plusieurs minutes qu’il souffre. Plutôt costaud et déterminé, ce bonhomme ! Depuis que le carrousel a augmenté sa vitesse Marcel a glissé dangereusement vers le bas de la tige. Une botte en moins et ses pantalons en nylon ne lui donnent pas vraiment une bonne prise. On l’entend pester à propos de sa botte —lui qui a horreur de porter des bottes de caoutchouc… À chaque mouvement qu’il fait sa botte lui glisse un peu plus hors de son pied... Mais il n’a désormais plus de marge de manœuvre pour la récupérer ; il est rendu à l’extrémité de sa tige : il ne peut descendre plus bas. C’est la fin ! Sa botte le quitte à tout jamais... Avec sa dernière botte disparue il ne peut plus être gagnant de ce championnat. Il se laisse choir sur les matelas.
François est toujours en piste. Son voisin de tige c’est le boulanger Clément. On se demande comment il fait, Clément, pour si bien tenir tout en haut de sa tige près de la tête du mât. On sait qu’il est très lourd et pas très athlétique. Bien sûr Clément avait préparé une stratégie. Avant d’enfiler ses bottes au début du championnat il avait réussi à mettre en cachette trois paires de chaussettes de laine bien épaisses. On comprend aussi que Clément a de grosses jambes : ses bottes serrent autour de ses gros mollets. Il a donc très bonne prise sur sa tige avec ses pieds qui tiennent bien dans ses bottes. Il a ainsi réussi à joindre le haut du mât où la force centrifuge est au minimum.
François envisage d’éliminer Clément. Il monte sur la tige de façon à ce que ses mains arrivent à la hauteur des bottes de ce dernier. François commence à taper avec sa main libre sur les bottes de Clément. Clément rigole : ses bottes ne bronchent pas et tiennent fermement à ses pieds. François continue toujours à taper sur les bottes à Clément.
Tournoi de carrousel en Nora, par Martinbottes
page 2/4 © AMBC, 2009.
