La Russie en Cuissardes (1995) | ||||||||
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LA RUSSIE EN CUISSARDES Chapitre 1 A trente ans tout juste, je glandais encore pas mal. Bien sûr, j'avais en poche une licence de Russe, obtenue sans grand mal, deux ans plus tôt. Ma mère, d'origine moscovite, me voyait déjà interprète, ou mieux, intellectuel progressiste, voyageant de Paris à Moscou et de Petrograd à Londres. Mais je ne me sentais pas du tout fait pour ce carcan bourgeois. Ce qu'il me fallait, à moi, c'était le grand air, les grands horizons, et l'absence de contrainte. En particulier en ce qui concerne l'hygiène et les fringues. Cela faisait des années que ma toilette matinale se résumait à un rapide brossage de dents, qu'il fallait bien faire avant d'aller en fac, où je faisais par ailleurs sensation auprès de mes copains, par ma tenue inchangée : jeans crades, bottes en caoutchouc noires et perfecto destroy. En 1993, j'avais à mon actif quelques traductions merdiques pour des boîtes privées voulant faire du profit sur le dos des Russes. La C. E. I. s'ouvrait; et ce fut l'occasion d'un séjour mémorable. Une copine de fac, connaissant mes goûts pour les sports mécaniques m'avait déniché une petite annonce dans Libé demandant un interprète franco-russe pour un rallye 4X4, "TransAsie". Le libellé précisait que l'interprète devrait être un sportif accompli et ne pas avoir peur de se retrousser les manches... L'occasion était trop belle d'associer vastes espaces boueux et mes compétences linguistiques, pour une fois bien rémunérées. Et c'est ainsi que je partis, d'abord pour Moscou, puis pour la frontière entre Europe et Asie, au centre de la Russie, au printemps de cette même année. Je ne m'étais pas pris la tête : j'emportais avec moi moins que le strict minimum, résolu, comme à mon habitude, à ne jamais changer de vêtements. Le rallye devait durer entre six et neuf semaines selon les conditions climatiques. J'avais donc fourré dans un sac de voyage, quelques gros pulls, deux paires de gants en caoutchouc : des courts et des longs, une parka bien chaude, une combi de bleu de travail particulièrement crade et un pantalon de treillis qui la valait bien. Les organisateurs du rallye avaient été très explicites : se charger le moins possible de vêtements et, oui j'avais bien entendu le responsable du rallye non rebuté par mon apparence des plus insolites dans son bureau de La Défense :"cuissardes en caoutchouc obligatoires; ça va être du sport ! Je compte sur vous".
© AMBC, 1995
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