Nos histoires

 

« A propos de bottes... »

 
 
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   Pierrot, vers 1930

   Le ridicule tue en France.

   Mais il tue à tort et à travers, comme la mitraille. L'ironie est une arme souvent aveugle.

   Que d'idées généreuses, que de magnifiques inventions dont elle a arrêté l'essor, entravé le développement, retardé l'application !

   Pour peu qu'une nouveauté sortie du cerveau d'un Français ou importée par un étranger offre à l'oeil quelque bizarrerie, soyez sûr que les rires ironiques des badauds l'empêcheront de prendre.

   Que cette nouveauté soit d'une incontestable utilité, qu'elle économise de grosses sommes, qu'elle rende d'immenses services, n'importe ! Le badaud rit.

   Et vous, homme sensé, qui avez une peur légitime du ridicule, vous n'osez prôner, colporter, recommander la nouveauté dont il s'agit, ni en user.

   Je vous parle ainsi à propos de bottes.

 
   
 

   Et c'est là très sérieux.

   Des Américains, des Anglais, des Allemands sont venus à Paris l'hiver dernier ; on les avait vus l'hiver précédent ; on les voit encore cet hiver ci.

   Ils sont remarquables par de grandes bottes, dans lesquelles ils enfoncent leur pantalon lorsqu'il fait de la boue. Ces gens, hommes de pratique, se trouvent fort bien de ce système qui est logique, rationnel, économique.

   Cependant, quand un monsieur passe avec son pantalon dans ses bottes, on se retourne et on ricane. Le monsieur s'en aperçoit.

 
 
  Buvard A l'Aigle -01-

   Il tient bon cinq minutes au plus ; puis, fatigué de l'attention dont il est l'objet, il entre dans une allée, rabaisse ses pantalons et continue son chemin "sans se faire plus remarquer".

   Ceci est une poltronnerie, un lèse bon-sens, une concession au respect humain.

   Les Anglais, les Américains, les Allemands, plus braves que nous sous ce rapport, haussent les épaules et passent, gardant leur pantalon dans leurs bottes.

   Voilà des gens qui nous donnent chaque jour des leçons de courage civil !

   J'ai décidé par mon propre exemple deux amis à en faire autant.

   Mes amis en ont décidé d'autres qui feront de la propagande autour d'eux. C'est la conjuration du bon sens.

   Voulez-vous en être ? Réfléchissez.

Buvard Baudou  -02-
 
 

   Un pantalon coûte de vingt cinq à trente cinq francs.

   Pour sortir, vous endossez votre pantalon neuf. Vous le salissez, l'usez, l'effrangez en un mois par le bas ; il durerait trois mois si vous pouviez le protéger contre la boue, service que vous rendra la coutume que nous prêchons.

    Vous économiserez, par an, un ou deux pantalons, soit sur votre budget annuel une moyenne d'au moins quarante francs.

 
     
 

   En versant quarante francs par an à la Caisse de retraite de la vieillesse, vous pouvez, si vous n'avez que trente ans, vous créer une rente assez ronde à soixante ans ; vous pouvez aussi vous assurer sur la vie et donner à votre veuve un héritage de plusieurs milliers de francs.

   Tout cela en mettant vos pantalons dans vos bottes.

   Est-ce à dédaigner ?

   Mais il ne faut pas avoir peur du ridicule.

Buvard Baudou -03-
 
     

   Puis, si vous êtes des nôtres, nous finirons par être beaucoup à braver les badauds, dont nous nous moquerons et qui mettront à leur tour leur pantalon dans leurs bottes.

   Laissez-moi, pour achever notre conversation commencée, vous dire quelle économie énorme vous réaliserez sur le vêtement pour toute la France ; économie qui pourra se dépenser autrement et plus utilement.

 

   Il y a en France près de trois millions d'individus qui portent des pantalons dans les prix de 25 francs.

   Le chiffre peut vous paraître modeste; mais songez qu'il faut sur nos quarante millions de Français défalquer les enfants, les dames, les paysans qui relèvent leurs pantalons et ont des sabots, beaucoup d'ouvriers, etc.

Buvard Baudou -04-

   Trois millions est le chiffre réel. Or chacun économisant, avons-nous dit, la valeur de 45 francs, par la méthode que nous recommandons, cela donnera annuellement une moyenne de 135 000 000.

   Cent trente cinq millions.

   Est-ce un joli denier ?

   Cela vaut-il la peine d'entreprendre une croisade?

   Que de misères soulagées !

   Que d'ordinaires améliorés !

   Que de logements assainis !

Buvard "A l'Aigle" -05-
 
     
 

   Cent trente cinq millions, voilà ce que coûte à la France, chaque année, le sourire de ses badauds, rien qu'au point de vue du pantalon que l'on n'ose mettre dans ses bottes !

   Braverez-vous le préjugé ?

   Je l'espère.

         Paul Sic

 
 

   Extrait du journal "L'Indépendant", de Saint Omer et de son arrondissement (Pas de Calais), en date du 6 janvier... 1870

 
     
 
buvard Le Chameau 1

   
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